Le « co-design », l’accompagnement par Inria Startup Studio – un point de vue
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Le « co-design », l’accompagnement par Inria Startup Studio – un point de vue

Plus de 20 ans d’expérience dans l’investissement, le soutien à la création de startup, mais aussi dans la recherche et innovation deeptech et le « business development » sont, nous le croyons, des gages de crédibilité pour accompagner des porteurs. La première idée clé de l’accompagnement est de mettre en pause le développement technologique, la définition du produit ou du service à fournir à de futurs clients hypothétiques. Il faut d’abord mettre la priorité sur la découverte de ces possibles prospects. Une fois le besoin des clients validés par une recherche qui ne peut se faire que sur le terrain, une fois seulement cette validation faite, alors le porteur pourra passer en mode vente et reprendre le développement de son produit sur la base de ce qu’elle aura appris.

Par Hervé Lebret, co-directeur d’Inria Startup Studio (ISS) depuis septembre 2019.

La valeur ajoutée d’un outil de l’écosystème n’est jamais tout à fait où l’on croit. Un investisseur vous dira toujours que ce n’est pas son argent qui compte, mais plutôt l’expertise et l’expérience qu’elle apporte. Un incubateur vous dira que ce ne sont pas le nombre de m2 dont il dispose, mais les services qu’il apporte aux porteurs. Et une structure d’accompagnement précisera que son réseau a autant d’importance que l’aide apportée au développement du projet. Tout est dans tout et réciproquement.

Pour autant, chaque entité a ses spécificités, ses forces et sans doute ses faiblesses. Alors quelles sont les spécificités du « co-design », la méthodologie d’accompagnement d’Inria Startup Studio ? Notre devise est « l’entrepreneur au centre » et jamais devise n’a peut-être été aussi bien employée. Nous pensons par expérience et par conviction que seul le porteur de projet de startup est en droit de décider du destin de son aventure. Il n’a peut-être aucune expérience, il se sent peut-être incompétent, mais l’analogie avec des parents ayant un premier enfant est intéressante. L’absence d’expérience n’enlève ni la responsabilité ni le droit de décider. Par contre les parents iront chercher conseils auprès d’experts dans la santé, l’éducation ou auprès d’amis ayant vécu leurs propres expériences. Le porteur de projet ISS recevra des conseils des co-designers ISS et des chargés d’innovation des centres et libre à lui d’aller chercher d’autres conseils auprès d’amis ou d’experts si elle ou il le souhaite.

Nous avons néanmoins des convictions fortes. Plus de 20 ans d’expérience de nos co-designers (voir page équipe) dans l’investissement, le soutien à la création de startup, mais aussi dans la recherche et innovation deeptech et le « business development » sont, nous le croyons, des gages de crédibilité. Et nous avons aussi nos références : pour la création de startup, mon maitre à penser est Steve Blank et son désormais célèbre « customer development ». La première idée clé de l’accompagnement est de mettre en pause le développement technologique, la définition du produit ou du service à fournir à de futurs clients hypothétiques. Il faut d’abord mettre la priorité sur la découverte de ces possibles prospects. Steve Blank dit même « Stop Selling, Start Listening ». Une fois le besoin des clients validés par une recherche qui ne peut se faire que sur le terrain, une fois seulement cette validation faite, alors le porteur pourra passer en mode vente et reprendre le développement de son produit sur la base de ce qu’elle aura appris. Je ne peux m’empêcher de citer Steve Blank: “Finding the right customer and market is unpredictable and we’ll screw it up several times before we get it right. Experience with scores of start-ups shows only in business schools case studies does progress with customers happen in a linear fashion. […] It’s OK to screw it up if you plan to learn from it.” Et ne vous méprenez pas, c’est une chose ingrate et difficile que de contacter 50, 100 prospects quand on ne l’a jamais fait. Mais cela devient très enrichissant si l’on a la passion de son projet et d’avoir un réel impact.

Le manuel du créateur de start-up, Steve Blank, Bob Dorf

Des conseils à la manière d’un conseil d’administration

Notre co-design fonctionne un peu comme les conseils fournis par le conseil d’administration d’une startup. Que les administrateurs soient des investisseurs, des experts de l’industrie ou des amis, ils donnent des conseils au PDG de la startup qui définit la stratégie de son entreprise. Lui seul peut connaître, avec son équipe, tous les détails de la situation de son projet et proposer les directions à prendre. Rarement, un conseiller donnera un ordre, il interrogera, elle suggérera, sauf s’il sent l’entreprise en péril. J’ai une autre référence sur le sujet, un livre magnifique.

Campbell, le Trillion Dollar Coach par Eric Schmidt & Co

Bill Campbell fut entre autres le coach de Steve Jobs, d’Eric Schmidt et des fondateurs de Google, excusez du peu. Voici une nouvelle citation qui dit à peu près tout : Alan Eustace a appelé l’approche de Bill « l’écoute libre » – les universitaires l’appelleraient sans doute « l’écoute active », un terme inventé pour la première fois en 1957 – et en la mettant en pratique, Bill suivait les conseils du grand entraîneur de basket-ball de UCLA, John Wooden, qui estimait qu’une écoute de mauvaise qualité était un trait partagé par de nombreux dirigeants : « Nous serions tous beaucoup plus sages si nous écoutions davantage », disait Wooden, « non seulement en entendant les mots, mais en écoutant et en ne pensant pas à ce que nous allons dire. » L’écoute de Bill était généralement accompagnée de beaucoup de questions, une approche socratique. Un article de la Harvard Business Review de 2016 note que cette approche consistant à poser des questions est essentielle pour être un bon auditeur : « Les gens perçoivent que les meilleurs auditeurs sont ceux qui posent périodiquement des questions qui favorisent la découverte et la perspicacité. » « Bill ne me disait jamais quoi faire », déclare Ben Horowitz. « Au lieu de cela, il posait de plus en plus de questions, pour déterminer quel était le véritable problème. » Ben a trouvé une leçon importante dans la technique de Bill qu’il applique aujourd’hui lorsqu’il travaille avec les CEO de son fonds. Souvent, lorsque les gens demandent des conseils, tout ce qu’ils demandent en réalité, c’est l’approbation. « Les CEO ont toujours l’impression qu’ils ont besoin de connaître la réponse », déclare Ben. « Donc, quand ils me demandent des conseils, j’entends toujours une question préparée. Je n’y réponds jamais. » Au lieu de cela, comme Bill, il pose plus de questions, essayant de comprendre les multiples facettes d’une situation. Cela l’aide à dépasser la question (et la réponse) préparée et à découvrir le cœur d’un problème.

Nous essayons d’agir de la sorte dans les boards ISS, dans les rencontres régulières entre porteurs, chargés d’innovation et co-designers. A nouveau, nous serions bien mal inspirés d’imposer ou de décider pour les porteurs, car ce n’est pas notre projet ! Bien sûr un porteur a moins d’expérience qu’un serial entrepreneur de la Silicon Valley (et nous avons moins d’expérience que Bill Campbell !), mais les principes sont les mêmes. Un porteur croit souvent naïvement qu’il trouvera des réponses à son inexpérience en faisant faire par d’autres. Il recrutera des développeurs pour bâtir son produit, des vendeurs pour générer du revenu. Certes, il pourra le faire une fois la startup créée et s’il a les fonds adéquats. Entre temps, il devra mettre les « mains dans le cambouis » sans doute faire lui-même à la fois les premiers développements (démonstrateur, prototypes ou « proof of concept (PoC) ») et les premières démarches business (la découverte des clients, pas encore la vente). Nous l’aiderons dans cette double tâche mais nous ne le remplacerons pas. Citons une dernière fois Steve Blank : Le [temps consacré au] développement des produits empêche les fondateurs de comprendre en profondeur leurs clients et leur marché. La responsabilité de valider les hypothèses de base des fondateurs est déléguée aux collaborateurs, l’équipe commerciale et marketing. Cela signifie que les fondateurs sont isolés de l’écoute directe des commentaires des clients – bons, mauvais et pires. Pire encore, les fondateurs ne comprendront pas vraiment si les clients achèteront et quelles fonctionnalités sont vendables avant la première livraison au client. Au contraire, lorsqu’un fondateur informé sort de son bureau et entend pour la nième fois que le produit est invendable, il en prendra conscience et changera de direction. Un processus pour donner aux fondateurs une interaction continue avec les clients – dès le premier jour – est essentiel. (La version originale avec le sous-titre révélateur The Outsourcing of Founders Responsibility se trouve ici.)

Les dimensions d’un projet entrepreneurial

A nouveau, l’entrepreneuriat peut ressembler à une tâche insurmontable et en effet cet apprentissage ne se fait pas du jour au lendemain. Nous sommes là pour conseiller et aider les porteurs. Et beaucoup plus. Cet apprentissage commence par des formations de base que nous offrons par des programmes bâtis par des professionnels mais aussi par des ateliers spécifiques que nous fournissons nous-même dans toutes les composantes essentielles de l’entrepreneuriat, de la création d’entreprise. Il n’est pas inutile de rappeler ici ces composantes essentielles :

  • Entrepreneuriat : Posture, Vision, mission, valeurs, entourage dont cofondateurs.
  • Marketing: Marketing stratégique, Marketing innovation, Segmentation, Customer discovery, Proposition de valeur, Marketing digital, Spécificités deeptech (numérique), le techno push.
  • Business: Business model, Finance, Go to market, Partenariats, Pricing.
  • Commercial : Prospection, Offre, Technique : processus achat, devis, commande, facturation, contrat commercial, négociation, closing, Plan d’actions commerciales.
  • Stratégie création d’entreprise : Statuts, actionnariat, Business plan, Sources de financement, Levées, VC/BA, Ecosystème.
  • Gestion d’entreprise : Comptabilité, trésorerie, CDR, RH droit du travail, Gouvernance, Droit des entreprises, RGPD.
  • Organisation : RH recrutement, RH rémunération et intéressement, Management, Culture d’entreprise et valeurs.
  • Produit : R&D, (le terme R est bien barré car une startup n’a en général ni le temps, ni les moyens de faire de la recherche, elle doit se consacrer au développement de son produit) MVP/proto, Développement produit / usine logicielle, Industrialisation, Certification, Qualité & SAV, PI, Spécificités deeptech (numérique) – le risque tech.

Toutes ces dimensions de la création d’entreprise seront abordées dans le co-design d’ISS, pendant les boards et plus généralement pendant tous les échanges entre porteurs d’un côté, chargés d’innovation des centres et co-designers de l’autre.

Le porteur aura aussi de multiples occasions de faire connaître son projet vers de futurs prospects, des investisseurs mais aussi de futures recrues. Find Your Cofounder, Vivatech, Big, nos Pitch & Talk, notre fête des startup ne sont que quelques exemples d’événements qui enrichissent notre accompagnement !

L’entrepreneur décide

Mais, et il y a un mais, nous n’avons pas oublié notre devise « l’entrepreneur au centre ». Nous ne décidons pas. Nous ne forçons l’entrepreneur à aucune action (si ce n’est ces rencontres régulières que sont les boards et à suivre les règles du contrat de travail qu’il a éventuellement signé en entrant dans le programme ISS). Nous conseillons, nous proposons, mais le porteur dispose.

Enfin ce travail intense d’une durée de 12 mois n’est que le début de l’aventure.  Le programme ISS est souvent le premier soutien dont bénéficient les porteurs dans leur projet de startup.  Quand le porteur quittera le programme, il ne sera plus financé par Inria. Il pourra peut-être rester quelque temps dans les locaux Inria. Puis il volera de ses propres ailes ou arrêtera peut-être son projet. Rien ne sert de s’enfermer dans un projet qui n’aurait aucune chance de succès. Nous aiderons le porteur à trouver son futur soutien dans l’écosystème (voir article), et aussi à créer sa startup (dont nous prendrons 5% du capital de départ) : un incubateur pour les uns, des subventions (notamment de BPIFrance et des régions) ou des investisseurs privés pour les autres, il n’y a pas de modèle unique de développement comme il n’y a pas de modèle unique d’accompagnement ni de manière d’être entrepreneur.

En résumé, notre programme est fait de 6 piliers que nous croyons essentiels :

l’accompagnement, le « co-design » : à 4 mains par l’équipe du centre et l’équipe du startup studio,

le financement : jusqu’à 2 personnes pendant 1 an et un budget projet. Le financement est le nerf de la guerre et tout investisseur sait très bien que les conseils sont essentiels mais « cash is king »,

l’hébergement : dans l’un des 9 centres Inria en France,

les formations : sur toutes les dimensions de l’entrepreneuriat,

les évènements : avec la communauté ISS et beaucoup plus, – le réseau : accès à des contacts national et international.

le réseau : accès à des contacts national et international.

Date de publication : 10/10/2022

Tags : Accompagnement Client Fondateur Mentor

Hervé Lebret

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