De scientifique à entrepreneur : le défi des compétences 

De scientifique à entrepreneur : le défi des compétences 

La Fête des Startups d'Inria Startup Studio a exploré le passage de recherche à entrepreneuriat autour de 3 tables rondes et d’un keynote. Compétences, financements, succès ou réorientation, ces échanges ont mis en lumière le partage d’expérience afin de permettre aux entrepreneurs de résoudre les défis liés à la création d’une startup deeptech numérique. La première table ronde a abordé la thématique des compétences du chemin de scientifique à entrepreneur : quelles sont les différences fondamentales entre les deux ? Comment s’enrichissent-ils ? Quelles sont les qualités nécessaires à la réussite de son projet ? Adriana Gogonel, CEO de Statinf, Pierre Alliez, chercheur à Inria, et François Germinet, directeur du pôle connaissance au SGPI, ont répondu à ces questions !

On oppose souvent la recherche scientifique et l’entrepreneuriat. Pourtant, la somme des similitudes entre les deux postures dépasse souvent celle des différences, comme l’ont expliqué Adriana Gogonel, CEO et co-fondatrice de Statinf, Pierre Alliez, chercheur et chef d’équipe au centre Inria d’Université Côte d’Azur, et enfin François Germinet, directeur du pôle connaissance au Secrétariat Général Pour l’Investissement, à l’occasion de la Fête des Startups organisée par l’Inria Startup Studio le 30 novembre 2023.

Le défi des compétences

  • Quelles sont les qualités communes, nécessaires à la réussite d’un projet de recherche ou à celle d’un projet entrepreneurial ?
  • Quelles sont les différences fondamentales entre les deux approches ?
  • Comment ces deux mondes peuvent-ils mutuellement s’enrichir ?

Ce sont à ces différentes questions que les membres de la table ronde « Le défi des compétences » ont tenté d’apporter des réponses lors de la Fête des Startups organisée par l’Inria Startup Studio le 30 novembre. Une intervention au cours de laquelle un constat essentiel a été posé : les scientifiques et les entrepreneurs partagent la même mission, à savoir celle de trouver des solutions aux problèmes qui leur sont posés !

Les similitudes entre recherche et entrepreneuriat

Interrogé par Hervé Lebret, co-directeur du Startup Studio, Pierre Alliez, chercheur et chef d’équipe au centre Inria d’Université Côte d’Azur, mais aussi conseiller scientifique de la startup AIVerse, spécialiste de la génération d’images destinées au machine learning, a détaillé les similitudes qu’il retrouvait dans ces deux fonctions : « Que l’on fasse de la recherche ou que l’on développe une startup, on passe beaucoup de temps à brainstormer. Lorsque j’assiste à des conférences données par des chercheurs ou que j’accompagne AIVerse sur des salons commerciaux, je suis dans les deux cas à l’écoute des remarques et des retours qui me sont faits. Cela nous permet de nous ramener à la réalité, et de progresser dans notre objectif commun, qui est de développer les meilleurs outils à destination des ingénieurs, et de devenir ainsi la boîte à outils standard, intégrant des algorithmes qui seront utilisés par des centaines de milliers de personnes dans le monde !« 

Scientifique et entrepreneur : un partage de défis

Ce constat est partagé par François Germinet, directeur du pôle connaissance au Secrétariat Général Pour l’Investissement (SGPI) : « Par le passé, j’ai été chercheur, puis Président d’Université, avant d’intégrer le SGPI. Je n’ai jamais eu l’impression de changer de métier ! À chaque fois, il s’agit de comprendre quels sont les problèmes à régler, puis de repérer les idées qui sont susceptibles d’y apporter des solutions. En ce sens, les doctorants et les entrepreneurs partagent beaucoup : tout au long de nos études, nous sommes habitués à trouver les solutions à nos problèmes en fin de manuel. Ce qui n’est plus le cas en doctorat ! Il s’agit alors de s’entourer des bonnes personnes, et d’espérer avoir les bonnes intuitions. On se rend souvent compte que les questions à l’origine de nos thèses n’étaient pas bien formulées, et que les réponses qu’on y apporte ne sont donc pas totalement satisfaisantes. Mais elles peuvent répondre à des problématiques que l’on n’avait pas identifiées au départ !« 

Table ronde fête des startups 2023
© Inria / Marie Magnin

La clé : savoir s’entourer

D’où l’importance de rester agile, d’échanger avec son écosystème et d’être à l’écoute de ses partenaires et de ses clients pour saisir des opportunités d’évoluer. “L’intérêt d’échanger avec le marché est d’identifier de nouveaux usages qui n’avaient pas été imaginés par les équipes de recherche”, explique Adriana Gogonel, CEO et co-fondatrice de Statinf, une startup spécialisée dans l’analyse des performances des processeurs multicoeurs qui a été accompagnée par l’Inria Startup Studio en 2019. Or, cette manière d’être n’est pas toujours innée chez les chercheurs : « Notre grande difficulté, c’est qu’il faut apprendre à se vendre. Les chercheurs ont l’habitude d’attendre d’avoir trouvé avant de communiquer sur cette découverte. À l’inverse, une startup doit souvent vendre quelque chose qui n’existe pas encore ! » Heureusement, les chercheurs et les entrepreneurs ont selon elle un point commun : « On doit apprendre dans les deux cas à gérer un projet de bout en bout, souvent avec peu de moyens, ce qui nous pousse à devenir de plus en plus polyvalent. »

Recherche parfaite et pragmatisme entrepreneurial

Une capacité à évoluer nécessaire, alors que l’entrepreneuriat implique inévitablement un changement de posture : “Quand ils publient, les chercheurs ont tendance à vouloir écrire le papier de recherche parfait, qui clôt le sujet pour de bon. Mais ce papier “Terminator”, comme je l’appelle, n’a pas son équivalent dans le monde de l’entrepreneuriat, où l’on doit souvent faire évoluer son approche pour répondre à un marché qui est toujours en mouvement. Cela pousse à être plus pragmatique”, explique Pierre Alliez, qui met aussi en lumière la nécessité de bien s’entourer : “Dans mon équipe de recherche, nous essayons de varier au maximum les profils, que ce soit au niveau des origines que du niveau d’étude. Des stagiaires en licence travaillent avec des post-doctorants venus d’Inde, ce qui nous offre une grande complémentarité.”

“Il faut brasser les compétences”, enchérit François Germinet, insistant sur l’importance pour les entrepreneurs de fédérer autour d’eux un écosystème composé d’acteurs variés, qui vont se nourrir les uns et les autres : “Il faut favoriser les interactions entre les chercheurs, les startups, les industriels et les clients, de même qu’il faut créer des ponts entre les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce, qui forment chaque année des jeunes qui sentent l’évolution de la société et du marché mais manquent de compétences technologiques pour saisir ces opportunités.”

Les stratégies face aux défis financiers et temporels

Un mélange d’aptitudes qui permet aussi de répondre aux autres enjeux de l’entrepreneuriat évoqués à l’occasion de la Fête des Startups, à savoir la recherche de financement et la difficulté à concilier le rythme de la recherche et celui du business. “Avec le temps, on apprend qu’il faut développer tout une gamme de produits : les plus basiques sont plus rapides à commercialiser et vous rapportent les moyens de poursuivre vos recherches et d’obtenir d’autres financements pour développer des outils plus perfectionnés. Ces différentes dimensions, recherche, prototypage puis mise sur le marché, se font à des rythmes très différents”, analyse Pierre Alliez, rejoint sur ce point par Adriana Gogonel : “C’est le sujet le plus difficile à assimiler pour un chercheur, qui voudra toujours atteindre la perfection, sans en avoir le temps. Pour garder le rythme, il faut s’entourer de gens très motivés. C’est ce qui fait toute la différence.

Clément FAGES

Date de publication : 19/01/2024

Tags : chercheur entrepreneur startup

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