Mon année au Studio par Nijta

NIJTA : la startup qui protège les données vocales

Brij Srivastava est le co-fondateur et PDG de Nijta, une startup qui vise à créer une IA fiable et éthique pour les centres de contact en anonymisant les voix.

« Le Startup Studio d’Inria m’a permis d’aller à la rencontre de l’écosystème français »

Attirer les talents étrangers est un défi commun aux secteurs de la recherche et de l’entrepreneuriat en France. En ce sens, le Startup Studio d’Inria est un atout, comme en témoigne Brij Mohan Lal Srivastava, fondateur indien de l’entreprise Nijta, spécialisée dans la protection des données vocales. Il a bénéficié de l’accompagnement d’ISS pour franchir le pas de l’entreprenariat et créer sa structure. Explications.

D’un côté, la prédominance de la voix dans les télécommunications modernes, renforcées par l’usage des messages vocaux et autres commandes vocales utilisées pour interagir avec un nombre croissant d’appareils intelligents. De l’autre, les progrès réalisés en matière de reconnaissance vocale, qui permettent désormais, via l’utilisation d’algorithmes, d’identifier l’état émotionnel d’une personne, mais aussi dans certains cas sa localisation, ou encore d’éventuelles pathologies. Au milieu, on retrouve la startup Nijta, mot qui signifie intimité en hindi. Son but ? Protéger les données vocales via l’anonymisation de la voix. Une technologie qui intéresse de plus en plus d’acteurs, sommés de protéger les données personnelles et la vie privée de leurs clients, utilisateurs ou collaborateurs dans le cadre du RGPD.

La solution proposée par Nijta repose sur les travaux de Brij Mohan Lal Srivastava, chercheur indien arrivé en France en 2018 dans le cadre de son doctorat.

“J’ai participé au projet européen COMPRISE, dans le cadre d’une collaboration entre l’Université de Lille et les centres Inria de Lille et de Nancy. À l’issue de mon doctorat en 2021, Emmanuel Vincent, mon directeur de recherche à Nancy, m’a encouragé à intégrer le Startup Studio d’Inria afin de développer un produit concret à partir des résultats de mes travaux”, explique le jeune chercheur, qui a trouvé au sein d’ISS les ressources nécessaires pour endosser le rôle d’entrepreneur.

Apprendre à pitcher son projet

“À l’époque, j’étais encore loin de penser à de potentiels clients, ou même à définir sérieusement mon marché. J’étais encore focalisé sur le perfectionnement de la technologie sur laquelle repose Nijta, en collaboration avec l’écosystème français, mais aussi des universitaires japonais et allemands, preuve que mes travaux répondent à des besoins à l’international”, se félicite Brij Srivastava. D’octobre 2021 à septembre 2022, l’accompagnement d’ISS lui permet de comprendre ce qu’est véritablement une startup, ou plutôt le rôle d’un CEO : “j’avais déjà travaillé par le passé dans plusieurs structures de ce type, mais toujours en tant qu’ingénieur, et non pas en tant que dirigeant. Je me rends compte que j’avais toujours eu l’envie de développer des business concrets à partir de mes projets et idées, mais jusqu’à présent je n’avais pas trouvé l’idée susceptible d’aboutir à une entreprise concrète. Inria Startup Studio m’a aidé à donner forme au projet, en développant un MVP, soit un prototype fonctionnel permettant de tester le marché, et d’identifier des clients pour qui votre solution est un must have, et qui sont prêts à signer dès que possible, vous assurant des revenus et une visibilité sur le court terme. Viennent ensuite les autres acteurs, avec qui le cycle de vente est plus long, et sur lesquels il faut se focaliser dans un second temps. Ainsi, Inria Startup Studio m’a permis d’aller à la rencontre de l’écosystème français, à lever des fonds et à gérer la trésorerie et la propriété intellectuelle de l’entreprise, et à négocier avec les différentes parties prenantes, notamment les clients et prospects.”

De son aveu, Brij Srivastava, qui s’est depuis entouré de Nathalie Vauquier, Seyed Ahmad Hosseini et Emmanuel Vincent, s’est ainsi découvert une passion pour la vente.

“Auparavant, j’étais focalisé sur le développement de mon produit et sur la façon de le marketer. Mais désormais, grâce à l’aide de mes responsables technique et marketing, je peux me consacrer à la conclusion des deals, le suivi du cycle de vente et la gestion de notre CRM.” Apprendre à pitcher sa solution en quelques minutes était notamment l’une des évolutions marquantes permises par l’accompagnement du Startup Studio selon le CEO de Nijta : “Ce programme aide à gagner en confiance en soi et à défendre et partager sa vision. C’est quelque chose que j’ai particulièrement apprécié dans les boards meeting organisés toutes les deux semaines à Inria Startup Studio. Il s’agit de faire un point sur l’évolution du projet, le développement des produits, ou encore les recrutements. Cela aide à structurer sa prospection, ou à développer de nouveaux contacts utiles. Enfin, il s’agit surtout d’adopter un nouveau mindset : être à l’écoute des besoins de ses prospects, ce n’est pas inné pour un chercheur. On a plutôt tendance à l’introspection afin de réfléchir à l’avancée de ses travaux. En tant qu’entrepreneur, c’est l’inverse. Il faut faire des rencontres pour trouver des opportunités et adapter son approche aux besoins du marché.”

Brij Srivastava a réalisé pas moins de 70 interviews pendant l’année d’accompagnement du Startup Studio, lui permettant d’explorer son marché. C’est notamment lors d’un hackathon organisé par Inria qu’il rencontre les représentants des différents secteurs potentiellement intéressés par sa solution d’anonymisation de la voix, à commencer par les professionnels des centres d’appels, qui seront ses premiers clients. “C’est aussi grâce au Startup Studio que j’ai rencontré les avocats et les comptables qui m’ont permis de structurer Nijta, sans oublier les acteurs de l’écosystème qui m’ont aidé à obtenir mon visa FrenchTech, ou encore à intégrer l’incubateur d’EuraTechnologies. D’ailleurs, nous sommes toujours sur le même campus que lors de notre passage au Startup Studio, ce qui nous permet de croiser encore régulièrement ses membres et les autres entrepreneurs accompagnés, avec qui nous échangeons encore beaucoup.” 

Clément FAGES