Quels financements pour quelles startups IA ?
Ecosystème 6 minutes

Quels financements pour quelles startups IA ?

Que recherchent les investisseurs et autres fonds de capital-risque au moment de soutenir une jeune pousse de l’IA ? Réponse avec le panel organisé par Inria Startup Studio à l’occasion de la Fête des Startups 2025. En 2025, les dizaines de milliards investis dans l’IA sont devenus communs tant le…

Que recherchent les investisseurs et autres fonds de capital-risque au moment de soutenir une jeune pousse de l’IA ? Réponse avec le panel organisé par Inria Startup Studio à l’occasion de la Fête des Startups 2025.

En 2025, les dizaines de milliards investis dans l’IA sont devenus communs tant le sujet attire et attise les capitaux et les plus grandes espérances, au point où l’on peut se demander s’il est encore temps de miser sur l’IA, et si les startups qui se lancent sur ce créneau pourront rivaliser avec la concurrence des géants du secteur.

Une question au cœur des échanges entre Hakima Berdouz, Anuchika Stanislaus, Nadi Bou Hanna et Matthieu Lavergne, à l’occasion d’une table ronde organisée lors de la Fête des Startups 2025 par Inria Startup Studio et animée par son co-directeur, Hervé Lebret.

Hervé Lebret, Nadi Bou Hanna, Hakima Berdouz – Fête des startups 2025 © Inria / T. Bour

En matière d’IA, « nous avons dépassé le pic des attentes démesurées et nous nous engageons en cette fin 2025 dans la vallée de la dépression », juge Nadi Bou Hanna, fondateur de la société d’investissement Flore Group, en référence au Hype Cycle de Gartner. Désormais, les investisseurs scrutent les acteurs susceptibles de survivre et d’atteindre le « plateau de la productivité ».

Investir dans les entreprises « augmentées » par l’IA

Pour autant, les opportunités existent selon lui, y compris au-delà des startups : « Il reste des segments à conquérir. Nous avons par exemple investi dans Nijta, une startup issue d’Inria Startup Studio qui propose un LLM audio. Mais nous regardons de plus en plus les sociétés de services ‘augmentées’ par l’IA. Et plus généralement, les entreprises installées, avec une base de clients et un savoir-faire reconnu, dont le métier est transformé par l’IA, avec à la clé de gros gains de compétitivité. »

Il est rejoint par Anuchika Stanislaus, conseillère numérique au SGPI et France 2030, programme de financement de 54 milliards d’euros qui veut accompagner le développement de l’IA dans tous les secteurs économiques avec, en ligne de mire, le développement de solutions compétitives et souveraines. Elle cite en exemple le secteur agroalimentaire, composé à 98% de PME et qui représente le premier secteur industriel français : « Les marges y sont faibles, et l’IA va permettre d’automatiser l’appareil productif, pour faire face aux tensions économiques et géopolitiques. Quand ce n’est pas le cas, elle va optimiser l’existant, via par exemple l’utilisation de nouveaux emballages conçus par l’IA. Ce qui permettra d’augmenter les marges. Enfin, il y a l’innovation radicale, qui peut découler de l’exploitation des données pour imaginer de nouveaux services ou produits. »

Pour dépasser cette approche théorique et identifier ces solutions d’avenir, France 2030 a notamment mis en place l’appel à projets « Pionniers de l’intelligence artificielle », en y associant, entre autres, l’Inria.

Miser sur les startups capables d’adresser plusieurs verticales

L’IA a ainsi le potentiel de révolutionner tous les pans de l’économie, à l’instar du cloud ou du modèle SaaS. Ce qui explique « qu’entre 50 et 80% des fonds des investisseurs sont fléchés vers des sociétés IA », selon Matthieu Lavergne, partner chez Serena Capital. Des modèles d’IA générative aux infrastructures data, il reconnaît toutefois que rivaliser avec des géants aux moyens colossaux et disposant déjà d’un accès plus ou moins important à la donnée et aux utilisateurs sera difficile.

Fête des startups 2025 © Inria / T. Bour

Son conseil ? Investir dans des startups « à la frange », c’est-à-dire qui semblent très spécialisées, mais dont la solution a le potentiel pour devenir centrale sur d’autres verticales : « Nous avons investi dans Pyannote, un spécialiste de l’identification et la séparation des locuteurs dans un fichier audio. C’est une IA traditionnelle, et pas un LLM, qui réalise une tâche très spécifique, mais nécessaire pour tout traitement de l’audio. Et on sait que l’audio sera un moyen d’interagir avec les IA, au même titre que le texte. La solution devient ainsi plus attractive… », indique Matthieu Lavergne.

Illustration avec Hope Valley AI, dont l’IA permet de détecter des signaux faibles pour prédire des événements rares, d’un incident sur un réacteur nucléaire à un cancer du sein, comme l’explique Hakima Berdouz, sa fondatrice et CEO : « Notre technologie est agnostique, à la différence des investisseurs ! Nous avons misé sur l’oncologie, car sur les huit brevets déposés cette année, plusieurs concernent la détection du cancer. Mais à terme, nous allons sans doute créer une filiale pour adresser l’industrie. » Une évolution qu’elle fera avec l’aide d’Inria Startup Studio et du MIT, où elle sera « visiting scientist » l’an prochain.

Face à l’approche américaine, qui favorise cette « fertilisation croisée » entre les domaines, elle déplore au passage les freins des investisseurs français, tant en termes de vision que de moyens : « Ne pas entrer dans des clous leur fait peur. Nous peinons à lever 2 millions d’euros, quand nos concurrents américains ou chinois obtiennent 10 ou 100 millions très facilement. » De quoi faire dire à la CEO que le « vrai » investisseur d’une startup technologique, c’est avant tout son client final.

L’open source, un pari gagnant pour les investisseurs

Enfin, la possibilité d’investir dans des acteurs de l’open source apparaît comme une autre stratégie gagnante selon Matthieu Lavergne. En plus de favoriser la circulation des idées, et donc la « fertilisation croisée », le modèle open source « surperforme les modèles fermés, a fortiori sur les couches d’infrastructures », explique l’investisseur, qui s’appuie sur 25 ans de données collectées par Serena Capital.

D’autant plus que l’open source se finance très bien, “grâce à une vraie manne de capitaux sur le marché, et que les acteurs de l’open source trouvent des liquidités au moment des ‘exits’, lorsqu’ils entrent dans le tunnel du capital-risque. Cela peut passer par une IPO ou une acquisition, mais les multiples de valorisation sont souvent meilleurs que leurs équivalents qui ne sont pas open source », indique Matthieu Lavergne.

Il est rejoint par Anuchika Stanislaus, pour qui la réussite des acteurs de l’open source français est le fer de lance de la souveraineté. « Nous sommes convaincus qu’ils seront un rempart face aux alternatives extra-européennes. Par ailleurs, ces projets sont également un important levier de transmission des savoirs et de montée en compétences pour nos écosystèmes », explique-t-elle, ajoutant que les appels à projets de France 2030 comportent une clause de bonification de l’aide apportée quand ils intègrent une dimension open source.

Hakima Berdouz, Anuchika Stanislaus, Matthieu Lavergne – Fête des startups 2025 © Inria / T. Bour

Date de publication : 05/12/2025

Tags : deeptech entrepreneur startup

Sophie Barre

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